
Dj Paulin, un nom légendaire dans l’industrie de la musique burundaise qu’on entend très souvent derrière les échos d’une bonne mélodie.
Un homme, un mari, un père de famille et un entrepreneur qui possède l’une des boîtes de nuit les plus convoitées en plein centre-ville de Bujumbura: Le Cristal.
Le Cristal est le nom d’une bouteille de Champagne, qui, autrefois symbolisait l’impuissance d’un jeune garçon qui ne pouvait pas se l’offrir. Mais c’est dans ce manque de pouvoir, qu’est né un cœur ambitieux et prêt à tout pour pouvoir y arriver.
Devenir l’une des figures qui ont propulsé le style musical à un haut standard, être à la tête de deux sociétés spécialisées dans l’événementiel qui portent le même nom, il y a de quoi applaudir un tel succès.
Pour vous, Burundiana est parti à la rencontre de cette icône du monde de la fête.
When the night begins to Shine!

Si certains construisent leurs empires la journée, d’autres le font la nuit et DJ Paulin se défend sur ce coup. « Si Dieu a créé le jour et la nuit, c’est pour que nous puissions nous adapter à ces 2 espaces de temps. Moi, j’ai choisi la nuit . Les gens vont travailler la journée et gagnent de l’argent, et après, c’est mon tour de leur permettre de se détendre le soir. Ils viennent à mes soirées, à mes concerts et achètent ces expériences inoubliables triés avec précaution. »
Alors vive la nuit à Buja!
The Belgian dream

Au départ, c’était juste DJ P, un figurant du groupe «Temptation Night », qui a fait des ravages dans toute la Belgique. Un trio composé de DJ Paulin, son ami burundais Dj Sevi, et aussi DJ Bobo du Congo. Une expérience inoubliable dont Dj Paulin se rappelle toujours avec fierté: « J’ai appris beaucoup grâce à mon expérience en Belgique, la majeure partie de tout ce que je peux être capable de faire dans le monde de la musique aujourd’hui, revient de ce passage de ma vie. »

Ils jouaient de l’électro, un style qui était très prisé dans les boîtes de nuit et les soirées mondaines qu’ils organisaient en Belgique. Ces soirées étaient leurs points forts et malgré le fait que le terrain était déjà occupé par les meilleurs, leur trio a fourni plus d’efforts pour pouvoir réussir à se faire une place là-bas. « Ce n’était pas facile de se faire une place dans un pays comme la Belgique. Les grands DJs du monde viennent dans cette partie de l’Europe. Ils avaient beaucoup plus de public que nous et ils travaillaient même aux radios. Donc pour nous, il fallait fournir plus d’efforts pour se démarquer.»
« Pour inviter les gens dans nos soirées, on faisait des affiches et on les partageait partout où on allait. Parfois on allait même dans les provinces les plus reculées pour partager ces affiches, on les mettait sur les pare-brises des voitures dans les rues, sans oublier les pubs dans les émissions des radios. L’autre particularité que nous procurions est que nous allions dans les autres soirées, et on se positionnait à la sortie pour distribuer nos affiches à tous les participants . On avait aussi un petit groupe de jeunes qu’on envoyait distribuer ces affiches dans les rues commerciales. »
Malgré le fait qu’ils étaient dans un pays étranger, sur une terre inconnue qui a ses propres valeurs et mœurs , ils n’oubliaient surtout pas de partager l’expérience de chez eux. « Dans les boîtes européennes, je jouais également de la musique burundaise. Grâce à nos artistes comme Big Fizzo, Dr Claude ou Kidum, je partageais cette expérience aux belges qui semblaient aussi apprécier notre musique.»

Un groupe d’amis, un trio infernal, et des frères qui gardent de bons souvenirs de cette épopée ; mais hélas toute magie a une fin. Le groupe s’est destitué en 2006 suite au départ de DJ Sevi : « Dans un groupe, il arrive qu’on ne s’entende pas sur certains points, de plus, même si vous avez presque les mêmes objectifs, vous n’aurez pas les mêmes ambitions. Et dans notre cas, c’est ce qui causa la destitution du groupe. »
Quand Buja s’est enflammée

C’était sans doute pas gagné pour DJ Paulin, mais c’était l’occasion pour lui de pouvoir enfin commencer à entreprendre dans son pays et réaliser une promesse qu’il avait faite avant de s’envoler vers l’Europe. « Depuis le premier jour que j’ai quitté le Burundi pour la Belgique, je me suis fait une promesse que tôt ou tard, je rentrerai dans mon pays, et que les connaissances que j’aurai pu acquérir là-bas serviront à développer l’industrie musicale Burundaise . J’ai d’abord commencé petit à petit. Je venais ici chaque année pendant les vacances d’été pour animer les soirées des mélomanes burundais à Havana club.»
Un DJ tout droit venu d’Europe, un nouveau style de musique qui enchante les oreilles des burundais, et ceci constitua un point de départ dans sa carrière ici au Burundi. « je jouais de l’électro, un style qui n’était pas très couramment utilisé ici. Mais les Burundais ont fini par s’approprier ce style de musique avec excellence. Ce n’est qu’après qu’on verra des groupes comme Amapiano jouer de la tekno. »
C’est dans cette effervescence que naîtra l’une des boîtes de nuit les plus populaires de tous les temps : le Cristal. Mais notre DJ n’a pas oublié de continuer à faire ce qu’il fait de mieux : organiser des soirées. « Chaque été, nous avons plusieurs éditions comme : le Party People ou Happy People, Celebrity Night quand nous amenons des artistes venus tout droit de l’étranger.»
Un rêve devenu réalité, nombreux sont ceux qui économisent pendant toute la période de dur labeur pour pouvoir se payer les droits d’entrée à ces événements.
Les faiblesses de l’industrie de la musique burundaise !

C’est sans doute pas nouveau, mais l’industrie de la musique burundaise est encore en pleine évolution. Il y a encore beaucoup à faire et DJ Paulin semble avoir compris cette mission dès son atterrissage à l’aéroport Melchior Ndadaye. « L’un de mes projets les plus chers, était de pouvoir ouvrir un studio de production pour pouvoir parrainer les artistes pendant l’enregistrement et la production de leurs musiques. »
Un projet toujours en cours, mais cela ne l’a pas empêché d’assister nos artistes dans l’accomplissement de leurs talents. Un parcours qui ne lui a pas été facile vu les différents problèmes auxquels fait face cette industrie. « J’aime les artistes burundais, ils sont bourrés de talents, mais ils sont têtus. Ils n’écoutent pas les conseils qu’on leur donne. Parfois, tu leur demandes de te raccorder quelque part dans leurs morceaux, mais une fois, pendant la production, tu découvriras qu’ils n’ont rien fait. Or dans la musique, il y a une discipline, des règles dans l’art du métier qu’il faut suivre pour réussir à mener à bien sa carrière.»
« L’autre chose qui me fait mal, c’est de voir qu’ils n’y a pas cette union entre artistes. Dans d’autres pays, les artistes collaborent ensemble, s’entraident entre eux et se soutiennent dans leurs activités quotidiennes. Alors qu’ici, c’est chacun pour soi, il n’y a pas cet effort collectif.»
Quand on lui a posé la fameuse question de savoir si un artiste est capable de subvenir à ses besoins grâce à son talent, voici ce qu’il nous a répondu : « J’encourage toujours les jeunes à travailler dur, aucun métier n’est au-dessus de l’autre. Aujourd’hui, si tu obtiens une opportunité pour 200,000 fbu, vas-y, mais tout en mettant en tête que si demain tu obtiens une autre a 50,000 fbu, tu y iras aussi. Tous les jours ne sont pas les mêmes, et toutes les opportunités ne te mèneront pas à Rome, mais lorsqu’elles sont recueillies avec intelligence, elles te permettront d’atteindre Rome.»

Après, nous avons parlé de l’ambition de notre DJ de propulser les artistes burundais sur la scène internationale. « Avant que la pandémie du Covid ne minimise nos chances d’y arriver, on préparait déjà une tournée mondiale pour MB Data aux Etats-unis, au Canada, en Belgique et en France. »
Quel dommage, mais espérons que dès que les choses se seront dosées, nous verrons cet espoir renaître un jour.
Get to Know the DJ

Que faites-vous le matin, une heure après que vous vous soyez réveillé de votre sommeil ?
À mon réveil, la première chose que je fais c’est allumer la télé et regarder les informations sur France 24. Parce que j’essaie de rattraper le temps et consulter tout ce qui s’est passé la veille quand j’étais au travail. Après je prends ma douche, et bien sûr, avec ma playlist dans les parages!
L’une de vos plus grandes passions est les sports automobiles comme le Rallye, mais pour quelle raison on ne vous voit jamais y participer ?
Le rallye est l’une de mes plus grandes passions depuis que je suis tout petit. Et je fais même partie du comité d’organisation ici au Burundi. J’aime les sports automobiles, que ce soit MotoCross, Formule 1 ou Nascar Print. J’ai toujours voulu y participer mais malheureusement ma famille n’a pas voulu. Ils ont peur de me perdre, hahaha.
Comment y arrivez-vous ? votre rôle de père de famille la journée et la night life avec les responsabilités qui vont avec ?
Tout est question d’organisation. Tu prends tes objectifs en mains et les responsabilités qui en découlent. Le time management est le point le plus important. Mais quand même J’essaie de passer le maximum de mon temps possible avec ma famille, je veux être la pour eux et prendre soin d’eux comme il faut
Quel est le parfum préféré de DJ Paulin ?
Mon parfum préféré est « Soleil Blanc » de chez Tom Ford.
Côté mode, existe-t-il des marques de mode ou des stylistes burundais qui ont déjà touché votre cœur et avec qui vous aimeriez collaborer un jour ?
Je commencerai d’abord par mes voisins ici à côté : UCOCO Brand, ensuite il y a Christ-Berty, Flambelle, Samma, Bedel, The Micth, Ruffin d’or ; et sans oublier Tuguma, je porte toujours ces T-shirts.
Toujours dans la mode, dans votre boîte de nuit, vous sélectionnez toujours à la porte les styles qui y entrent ou pas. Sur quoi vous basez-vous ?
On sélectionne toujours à la porte car ce n’est pas tous les styles qui ont le droit d’entrer dans ma boîte de nuit. Quand on sort le soir, l’étiquette et l’esthétique sont très importantes, donc il faut prendre le temps de bien choisir sa tenue. Choisissez bien la coiffure et les accessoires qui vont avec ; sans oublier de se parfumer bien sûr.
On vous voit toujours avec des lunettes de soleil sur le visage, est-ce un de vos styles ?
Je porte des lunettes de soleil pour des raisons d’ordre médical ; c’est pour éviter les rayons de soleil. J’ai été obligé d’adopter ce style de lunettes, j’en ai plein aujourd’hui et de toutes les marques.
Quelle est cette chose à laquelle vous tenez et que vous ne voudriez surtout pas perdre dans les jours qui vous restent ici sur terre ?
L’une des choses que je prie toujours Dieu de me garder, c’est l’ouïe. Je préférerais perdre la vue ou un autre de mes sens, tant que je garde mon ouïe intacte. C’est l’instrument le plus important dans ma carrière, et je veux mourir en étant toujours capable d’écouter de la bonne musique !