Le piercing des hommes suscite encore des remues dans la société burundaise. Au-delà d’un simple étonnement, les hommes qui ont des piercings sont mal vus, et la culture s’y invite. Un homme percé est perçu soit comme un délinquant, un homosexuel ou pire encore un évadé de la société.
Burundiana Magazine a récolté quelques informations des personnes directement (ou indirectement) par notre sujet notamment les personnes qui ont des piercings, les avis des personnes qui n’en ont pas et le point de vue d’un sociologue afin de savoir ce que dit la science et une manière de cohabiter avec les hommes ayant des piercings car, comme il le dit « Ce sont nos frères, nos amis voir même nos maris ».
Dans une série de questions-réponses, nos interlocuteurs brossent un tableau croisé sur la perception du « piercing » dans notre société. Des avis contradictoires qui, avec l’évolution du monde, montrent à suffisance combien les pratiques dites « importées » peuvent être interprétées différemment.
N.C, jeune homme de 25 ans, est un chic citadin avec un piercing à l’oreille. Dans un air décontracté, il donne son point de vue par rapport à son style.
Q. Qu’est-ce qui vous a motivé à vous percer l’oreille ?
R. Personnellement, j’aime naturellement les piercings. J’en ai fait quand j’ai terminé le cycle supérieur.
Q. En tant que Burundais, n’as-tu pas eu des critiques ou des préjugés de l’entourage ou des parents pour ton piercing ?
R. Bien sûr que oui. Mais comme je ne fais du mal à personne et c’est mon corps, je n’accorde pas trop d’importance à leurs critiques tant que je fais déjà ce qui me plaît. J’ai reçu pas mal de critiques de la part de la société, mais mes parents ont été toujours là pour moi. Pour eux, c’était normal, tout comme si j’avais porté une chaînette autour du cou. Et tant que mesparents ne sont pas gênés, tant mieux. Sinon, la société critique toujours sur tout.
Q. Quel est ton conseil pour les jeunes qui veulent faire un piercing mais qui ont peur des critiques de la société ?
R. Ils peuvent en faire et vaincre leur peur. Ce qui compte, c’est de faire une chose qui te plait, mais par contre, si tu le fais juste par imitation, ce n’est pas bien car tu pourras peut être le regretter un jour.
Q. Te sens-tu accepté au travail avec ton piercing?
R. A vrai dire non. Je me souviens le jour de mon embauche, on l’a remarqué et on m’avait dit que si je voulais vraiment travailler avec eux, je devrais l’enlever à chaque fois que je me présente au boulot. Et c’est devenu une routine. Je l’enlève et je le remets après. Je dirais que mon patron a été généreux sinon il m’aurait dit que carrément on n’engage pas des personnes qui ont des piercings
Q. Un dernier mot ?
R. En tant que Burundais, je comprends vraiment qu’il y a encore des barrières culturelles mais le monde évolue et on doit évolueravec. Tant que ce que nous faisons personnellement n’affectepas directement autrui, on devrait laisser la personne faire ce qu’il veut de son corps. Coup de chapeau à Burundiana Magazine de m’avoir accordé la parole pour parler sur ce sujets combien intéressant.
Pour cette jeune fille de 26 ans, sortir avec un homme ayant un piercing ne lui cause aucun mal. Pourvu que celui-ci se sente bien dans sa peau.
Q. Accepterais-tu d’épouser un homme qui a un piercing?
R. Personnellement oui. Ça ne me cause pas problème. Je ne peux pas le détester à cause de ce qu’il a fait dans le passé. Moi je pense que ce qui compte le plus, c’est notre union conjugale et que je sens que je l’aime et que mon cœur l’accepte. Mais, à priori, j’aimerais savoir sa motivation pour ce piercing.
Q. Selon toi, qu’est-ce qui motive un piercing chez un homme?
R. Les raisons sont diverses. Il y en a qui aiment les piercings, tout simplement. D’autres imitent leurs idoles ou les stars et d’autres encore le font à cause de leur orientation sexuelle (homosexuels). Donc, Ca dépend des mentalités car elles sont différentes mais ce n’est pas facile de le savoir au premier vu, car il y a ceux qui sont considérés comme des voyous ou des escrocs dans la société alors qu’au fond, ce sont des hommes bien.
Malgré cette ouverture d’esprit pour les uns, il y a une nette incompréhension pour certains. En témoigne le point de vue de ce trentenaire qui y voit plutôt une défiguration de la masculinité.
Q. Quelle est ta perception par rapport au piercing chez les hommes ?
Personnellement, je ne comprends pas les hommes qui se percent les parties du corps. Je n’aime pas du tout, et j’ai l’impression qu’ils se sentent plus féminins que de vrais hommes. Ce n’est pas joli, ça défigure même leur visage. C’estinsensé ! Si une fois j’aurais des enfants, je les éduquerais dès le bas âge de ne pas avoir ce comportement, car c’est ce libertinage qui fait que les enfants aujourd’hui deviennent de plus en plus gays et lesbiennes.
Pour cette mère, c’est un choc total
« En tant que parent, je suis choquée de ce comportement des jeunes d’aujourd’hui. Je n’arrive pas à comprendre comment un garçon puisse avoir l’idée bien nourrie de faire un piercing. Depuis que j’existe, je n’ai jamais vu cela depuis nos aïeux même pour les femmes se percer sur l’oreille et ailleurs ça ne date pas de très longtemps chez nous. Et maintenant, voir un homme avec un piercing ? Franchement, je ne trouve pas de significations en cela. Les jeunes ont tendance copier aveuglement tout ce qui vient de l’étranger. Ils ne cherchent même pas à savoir la cause de cette pratique. C’est notre culture et nos valeurs qui disparaissent à petit feu. Ce qui est à mon avis très grave. Il y aura un temps où on va se retrouver sans culture,sans pudeur sans rien car nos propres valeurs auront disparues. En plus, chez nous, les jeunes sont nombreux et la majorité est au chômage. Ce qui est sûr avec les piercings, les sociétés et entreprises d’ici ne leur donneront pas de travail donc c’est même un handicap pour leur avenir. »
Que dit la science ?
Pour Lambert Hakoziyaremye, sociologue et professeur d’université, chaque société a ses valeurs propres à elle, et chaque membre de la communauté doit s’y conformer. Ce qui n’est plus le cas avec la mondialisation. « Aujourd’hui, c’est vraiment compliqué car on est dans une époque contemporaine, époque marquée par des atteintes contradictoires au désird’individualisme. Dans le temps la personne s’identifiait dans son groupe d’appartenance mais avec la société moderne on remarque plus de liberté individuelle chacun veut créer une identité qui le différencie des autres », précise-t-il.
Le sociologue argumente que comme notre société est en contact avec la société occidentale, cette dernière a une influence sur les comportements sociaux d’où l’on assiste à un mélange de culture. C’est bien de garder notre culture mais en sachant que la culture aussi évolue. Le danger serait d’adopter une culture occidentale qui nui à la liberté individuelle qui cause atteinte à la liberté des autres qui ne met pas en cause la cohésion sociale et la cohabitation sociale et que ce sont des éléments qui contribuent à l’épanouissement de l’individu.
Selon Mr Hakoziyaremye, il faut inculquer des valeurs culturelles et humaines aux enfants dès le bas âge. Comme ça, l’enfant évoluera en sachant cela.
« C’est très important d’avoir une motivation dans ce que nous voulons faire. Par exemple, pour le top modèles, les mannequins ou tous ceux qui sont dans le domaine de la mode, c’est normal qu’ils aient des piercings car cela a un rapport avec leur travail », poursuit-il.
Et pour conclure, M. Lambert salue l’initiative de parler de ces sujets jugés tabous car la jeunesse actuelle a besoin de certaines précisions sur les éléments basculant l’humanité et pour qu’enfin elle adopte les comportements en connaissance de cause.
